Poème par Valérie PETIT

RENCONTRE

De loin, une masse aux formes arrondies appelle notre caresse… Je m’approche d’eux, deux, ils sont deux, fondus en un.

Leur enlacement m’intrigue mais ils ne m’offrent aucun regard qui pourrait amorcer un échange. Peut-être même veulent-ils ne pas me voir ?…
Pas un regard pour moi, ni pour personne : ils ne montrent que leur dos car ils sont tournés l’un vers l’autre. Le seul “nous” commun, est un nous grammatical, quand on dit que “nous” sommes dans deux mondes différents : le nôtre, le leur. Cela dit, le “nous” ne les concerne plus. Ils sont tout, sauf nous. W. Sheller a chanté “…Les gens qui s’aiment… quand ils vous parlent d’eux, il y a quelque chose qui vous éloigne un peu… ceux sont des choses humaines…”

La Rencontre n’est pas uniquement le moment du premier contact. Et ce n’est pas non plus simplement deux individus qui se croisent – nous sommes des milliers à nous croiser. La Rencontre, ce sont deux être qui se reconnaissent comme étant faits l’un pour l’autre, deux moitiés qui se cherchaient et ensemble se complètent. Cette union si harmonieuse les rend inséparables, leur étreinte parfaite l’exprime sans conteste et nous confirme qu’il n’y a pas de place pour nous.

La Rencontre, c’est aussi ce qui en découle : une aventure exceptionnelle, une promesse de bonheur, le bonheur lui-même. C’est ce qui naît de cette fusion : au cœur de ces deux corps qui s’imbriquent à la perfection en se refermant l’un sur l’autre, jaillit la source de leur bonheur à laquelle ils s’alimenteront désormais. Ils pourront s’en nourrir et se suffire à eux-mêmes. Ils n’ont plus besoin des autres, ils ont besoin de s’isoler des autres.

Ils partagent quelque chose qui n’appartient qu’à eux, qui est là, au cœur de cet être unique q’uils forment à eux deux, quelque chose de si précieux qu’ils doivent le couver, le protéger des étrangers que nous sommes… parce qu’on le sent, on le pressent, on l’a peut-être vécu, ce trésor intime est rare et ils ont eux la chance de le rencontrer. Un trésor si dense potentiellement si puissant qu’ils ressemblent à la Terre se lovant autour de son noyau de feu.

Leur dos est une carapace, leur vie est à l’intérieur qui ne doit pas transparaître au dehors. Mais pourtant, leur union est d’une telle force que cette dernière finit par rejaillir : la puissance de leur amour leur échappe malgré eux et me parvient. Cette aura qui les enveloppe me permet de les rejoindre, de les rencontrer. Comme à proximité d’un flacon qui laisserait échapper des effluves de parfum, je respire une bouffée de leur amour. Ils me donnent l’occasion d’y croire encore. Ils m’offrent un instant magique de bien-être qui me fait oublier le reste du monde qui m’entoure, ce monde auquel ils tournent le dos.